Introduction
Environ 11 % de la population mondiale souffre du syndrome de l’intestin irritable (SII) (3). Diverses problématiques digestives, à des prévalences variées, sont influencées par différents facteurs comme l’hydratation.
Cas 1 : Constipation et hydratation
La constipation est un trouble digestif touchant entre 14 et 30 % de la population (13, 15, 19). Selon différents critères, on considère qu’elle peut être chronique ou occasionnelle (15). La constipation est multifactorielle et plusieurs habitudes de vie, dont l’hydratation et la consommation de fibres, peuvent l’influencer (15).
En effet, l’hydratation est un élément clé dans la gestion des selles, celle-ci ayant plusieurs fonctions dans le système digestif. L’iléon, une des trois parties de l’intestin grêle, et le côlon absorbent l’eau. Ainsi, si l’hydratation est insuffisante, ces systèmes réabsorbent plus de liquides, ce qui peut mener à une réduction de la fréquence et de la quantité des fèces (1). À l’inverse, une hydratation adéquate permet une meilleure motilité intestinale (2).
À ce sujet, une étude observationnelle chez plus de 10 000 adultes rapporte qu’une consommation faible de liquides (moins de 1800 ml par jour) est un prédicteur de constipation, aussi bien chez les hommes que chez les femmes (13). Une étude montre une augmentation de la fréquence d’évacuation ainsi qu’une diminution de l’utilisation de laxatifs chez les adultes (1) lorsque 2 L d’eau par jour sont consommés.
De leur côté, les fibres sont aussi impliquées dans la constipation. Selon leur solubilité, on distingue deux types de fibres : solubles et insolubles (5, 6, 9, 14).
Fibres solubles (5, 6, 14) :
• Mélangées à l’eau, elles créent une substance semblable à un gel, digérée par les bactéries, ce qui améliore la viscosité (texture) des selles
• Sources alimentaires : psyllium, avoine (flocons, son), fruits (oranges, pamplemousses, mangues), légumes (asperges, haricots, pois verts, carottes), orge, graines de lin et de chia
Fibres insolubles (5, 6, 9, 14) :
• Réduction du temps du transit intestinal
• Stimulation de la contractilité
• Augmentation du volume des selles
• Sources alimentaires : blé entier (son), légumes (chou-fleur, chou frisé, épinards, navet), fruits (framboises, pommes, poires, bananes, bleuets), noix, arachides
Ainsi, lors de constipation, les fibres insolubles, bien hydratées, sont à favoriser selon la tolérance individuelle (2, 15). Cependant, en présence de ballonnements et d’inconforts digestifs, les fibres solubles sont généralement mieux tolérées (6, 15, 16). S’il y a constipation, les suppléments de fibres comme du psyllium, des graines de lin et des fruits « laxatifs » comme les kiwis, les mangues, les pruneaux et les figues peuvent être aussi envisagés comme approche nutritionnelle (2, 5, 15, 16).
Certaines clientèles sont également plus à risque de constipation comme les personnes âgées (13, 19). En effet, la prévalence de la constipation augmente avec l’âge (13, 15). Les maladies, les effets secondaires de certains médicaments, des troubles du plancher pelvien, la réduction des apports alimentaires en liquides et en fibres en plus d’une activité physique moindre sont des causes de constipation chez cette population (19, 20). De plus, les personnes ayant une faible mobilité ou encore alitées sont plus sujettes à la constipation causée par une réduction du péristaltisme intestinal. Chez les enfants, la problématique est fréquente et est majoritairement (plus de 90 % des cas) classifiée comme un trouble gastro-intestinal fonctionnel (1, 4). Plusieurs facteurs sont en cause, dont certains facteurs psychosociaux et alimentaires tels que comme la consommation d’eau et de fibres ainsi que la présence de certaines pathologies (1, 4).
Cas 2 : Reflux gastro-œsophagien
L’hydratation et la façon de s’hydrater peuvent influencer les reflux gastro-œsophagiens (RGO). En effet, les différents types de boissons et les façons de les consommer peuvent augmenter les RGO ou aider à les gérer.
Un mythe populaire est que boire plus d’eau pourrait aider à soulager les brûlements d’estomac en influençant l’acidité de celui-ci (17). En revanche, il n’y a aucun fondement scientifique à ce mécanisme (17). Au contraire, de grandes quantités de liquides (et d’aliments) lors des repas peuvent accentuer les RGO (10, 11). Celles-ci créent de la distension gastrique et mettent plus de pression sur le sphincter œsophagien inférieur (SOI) (10, 11). On vise donc l’absorption des petites quantités de liquides lors des repas et idéalement à la fin de ceux-ci. On recommande de boire entre les repas pour aider à la digestion, et ce, sans créer des symptômes gastriques.
Les boissons pétillantes et gazeuses, à base d’agrumes, de tomates et de menthe (jus d’orange, jus de tomates, limonade, tisane à la menthe poivrée), l’alcool, le café et le thé doivent être consommés modérément lors de RGO, étant des aliments irritants et favorisant un relâchement du SOI pour certains (10, 11, 12). Ainsi, le type de boissons (et non leur température) influence les RGO. Évidemment, la tolérance à ces liquides est propre à chacun.
Cas 3 : Recommandations pratiques
Quelle quantité boire ?
Selon Santé Canada, chez les adultes, la quantité totale suggérée de liquides quotidiens est de 3,7 L pour les hommes et 2,7 L pour les femmes en considérant toutes les sources de liquides consommés (café, thé, soupe, jus, aliments) (7).
Ainsi, on vise généralement de 4 à 6 tasses d’eau par jour pour compléter ces cibles (8). Cependant, la quantité à cibler reste spécifique à chacun et selon les situations. En fonction de la température extérieure et de la pratique d’activité physique, les besoins peuvent également augmenter (8). De plus, la prise de médicaments et certaines conditions de santé pourraient influencer la rétention ou l’excrétion d’eau (8).
Pour bien répondre au besoin, on vérifie la couleur et la quantité d’urine dans la journée (18). Si l’urine est jaune foncé et comporte une forte odeur, la quantité de liquides est possiblement insuffisante. On vise une urine jaune clair (18).
Il importe de se rappeler que lorsque la soif est présente, la déshydratation est déjà amorcée (18).
Quels liquides favoriser ?
L’hydratation est essentielle à une santé digestive optimale. On privilégie principalement l’eau, des boissons comme le café et le thé (en quantité limitée lors de RGO, tout en respectant la posologie pour éviter l’augmentation du stress, de l’irritabilité et de l’insomnie) ainsi que les tisanes et infusions maison. On essaie de réduire la consommation de boissons sucrées (jus, boissons gazeuses, cocktail).
Comment y arriver ?
Avoir une bouteille ou un verre d’eau avec soi tout au long de la journée aide à augmenter sa consommation. Cibler des quantités par période de la journée peut être aussi une stratégie pour mieux répartir le tout. Concocter des eaux aromatisées avec des fruits surgelés ou des légumes bios (fraises, bleuets, concombres) et des fines herbes (basilic, menthe) permet de « pimper » l’eau !
Une bonne routine d’hydratation, un apport adéquat en fibres et une pratique d’activité physique régulière sont toutes des stratégies importantes pour une santé intestinale optimale !
Conclusion
En plus d’évaluer les besoins et les quantités de liquides chez les individus, une évaluation nutritionnelle doit aussi considérer les implications de l’hydratation dans la gestion des symptômes gastro-intestinaux.
Références de l'article
- Boilesen et al. (2017) Water and fluid intake in the prevention and treatment of functional constipation in children and adolescents: is there evidence? J Pediatr (Rio J) Jul-Aug;93(4):320-327. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28450053/
- Brenner et al. (2022) Real-World Treatment Strategies to Improve Outcomes in Patients With Chronic Idiopathic Constipation and Irritable Bowel Syndrome With Constipation. Am J Gastroenterol Apr 1;117(4S):S21-S26. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35354772/
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- Classen et al. (2022) Constipation in Children and Adolescents. Dtsch Arztebl Int Oct 14;119(41):697-708. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36261928/
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